Gisèle Pélicot, « Cheveux courts, idées longues »
Le procès de Mazan : « la honte change de camp »#
Alors même que les féministes luttent depuis la Révolution Française vers l’émancipation des femmes et leurs droits égaux à ceux des hommes devant la loi, la troisième vague tend vers davantage d’inclusion à l’égard des communautés LGBTQIA+. 2010 coupe l’élan d’une revendication commune alors que Dominique Pélicot, âgé de 57 ans, filme sous la jupe d’une femme faisant ses courses.
Après avoir été interpellé par un vigile, une centaine de vidéos de sa femme, Gisèle Pélicot, inconsciente en train de se faire violer par près de 80 hommes, ont été retrouvées. Soumise à des psychotropes (anxiolytiques), aux mensonges et à un visage inconnu de celui qu’elle pensait connaître depuis près de 50 ans, les hommes accusés ont été recrutés par Dominique Pélicot par l’application coco.fr.

Détruite et après avoir comparu devant le palais de justice d’Avignon, lors du procès de Mazan, de septembre à décembre 2024, Gisèle Pélicot incarne une figure féministe phare concernant les violences sexuelles infligées aux femmes. Refusant la perpétuation d’une oppression féminine commune, elle renonce au huis-clos devant les 51 accusés ayant déshumanisé et usé de son corps, elle dira : « la honte change de camp ».
Une définition de la femme : un obstacle à la revendication féministe ?#
« La femme ? c’est bien simple disent les amateurs de formules simples : elle est une matrice, un ovaire ; elle est une femelle : ce mot suffit à la définir. Dans la bouche de l’homme, l’épithète « femelle » sonne comme une insulte ; pourtant il n’a pas honte de son animalité, il est fier au contraire si l’on dit de lui « C’est un mâle ! ». (…) Le terme « femelle » est péjoratif non parce qu’il enracine la femme dans sa nature mais parce qu’il la confine dans son sexe » (Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, Tome I : Les faits et les mythes, chapitre premier : Les données de la biologie, p.37, 1949).
L’émancipation féministe est-elle abstraite ? Les luttes pour la revendication des droits des femmes ont-elles une place véritable dans le système ? Malgré les cris, les pleurs et les poings levés, la domination patriarcale semble rappeler de manière constante sa supériorité. Il semble alors considérable de poser la définition de ce qu’est la femme indépendamment de l’homme, une définition comprenant sa diversité, ses différentes particularités.
Cependant, si la femme est « confinée dans son sexe », comment prétendre la définir autrement alors même qu’elle est issue d’une société ébranlée par des représentations erronées et conservatrices ? Comment penser l’émancipation de la femme alors même que l’homme est soumis à l’oppression qu’il a coutume d’imposer ? En effet, il s’agit de penser de nouveaux les rapports de genre de manière à cesser de perpétuer la tradition sexiste.
Changeons le mythe d’une féminité docile et attentive au soin de son foyer et celui d’une masculinité abstraite virile dénuée d’émotions, les hommes et les femmes ne sont pas ce qu’ils pensent être. Commençons par bousculer ce qu’ils ne sont pas, des femmes obéissantes, destinées à la maternité et à un amour illimité à l’égard de leurs maris, des hommes absents face à leurs enfants, des maris dépourvus de toute reconnaissance envers leurs épouses. Changeons ce qu’ils ne sont pas afin de faire advenir leurs possibilités d’être, des individus autonomes et responsables de leurs choix.
Gisèle Pélicot, en plus d’incarner une figure de lutte proéminente, elle est « le cri de celles qui n’en n’ont plus », mais également une voix, une parole forte pour rétablir un langage faux et sexiste.
Sources#
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De Beauvoir Simone, Le Deuxième Sexe, Tome I : Les faits et les mythes, chapitre premier : Les données de la biologie, p.37, 1949).
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GIACINTI Margot, “Nous sommes le cri de celles qui n’en ont plus : historiciser et penser le féminicide”, Nouvelles Questions Féministes, volume 39, numéro 1, 2020, pages 50 à 65
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Le Doeuff Michèle, Cheveux longs, idées courtes, 1977
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Ouest-France « « Que la honte change de camp » : au procès des viols de Mazan, la victime s’oppose au huis clos », page 6, 24 septembre 2024